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Illustration de l'extrait du roman RéValité de Julia GALINDO
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Le début de RéValité : Prologue 1ère partie

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Voici le début de RéValité, un extrait du prologue :

G37-J6

L’homme dans l’embrasure de la porte avait une vue plongeante sur la berlinette et l’arrière-train qui dépassait de son capot arrière. C’étaient des fesses rondes et fermes que le baggy mettait curieusement en valeur.
L’Alpine A110 1600 S était un modèle de 1970 qu’il avait acquis récemment en piteux état. Il l’avait confié à son garagiste, ou plutôt à la nouvelle recrue de son garagiste. Cet idiot s’était fait piquer avec une quantité non négligeable de cocaïne qu’il avait conservée dans la boîte à gant de sa caisse. Il était peut-être très doué avec une clé à pipe, mais il n’avait pas grand-chose dans le ciboulot.
Il ne se plaignait pas, sa remplaçante était au moins aussi bonne que lui. Elle avait fait du super boulot. Il avait du mal à croire que la bagnole rutilante qui siégeait au centre de l’atelier soit la même que celle qu’il lui avait laissée quelques jours plus tôt. En outre, elle avait un postérieur bien plus agréable à mater.
Le moteur hurlait une mélodie féroce et assourdissante. Le nez dedans elle ne l’avait pas entendu arriver et il attendait qu’elle relève la tête et se rende compte de sa présence. Il commençait tout juste à s’impatienter quand elle se décida enfin à se redresser. Il put entrevoir quelques pétales du tatouage qui dépassait de l’encolure de son débardeur. Elle s’essuya les mains sur le chiffon déjà noir de cambouis qui pendait de sa poche arrière, rabattit le capot et alla couper le contact.
Sa coupe à la garçonne, blonde une mèche fixée sur le côté à grand renfort de gel et le reste ébouriffé comme mille épis, ne lui seyait pas trop mal. Une touche de maquillage n’aurait pas été de trop pour rendre un peu de féminité à son visage, mais bon, elle était mécanicienne, pas mannequin après tout. Elle ne sursauta même pas quand elle l’aperçut. Elle hocha la tête en guise de salut et alla poser son chiffon sur l’établi.
—  Café  ? 
—  Non merci. 
—  Bière  ? 
—  Allez, pourquoi pas  ? 
Elle alla lui en prendre une dans le vieux frigo qui ronronnait dans un coin du garage ; la décapsula entre les jambes d’une pin-up en résine, aimantée sur le bord écaillé du réfrigérateur ; et la lui tendit.
C’était pas une bavarde.


Showtime
Satisfaction
Gabrielle observait le propriétaire de la berlinette en faire le tour. Il avait l’air content de son travail. Elle savait qu’elle devrait bientôt lui restituer son bien. Elle avait fini de la retaper et profitait des derniers instants à contempler ce petit bijou. Elle savait aussi qu’aujourd’hui était le grand jour, mais le devoir avant le plaisir :
—  J’ai changé le train arrière à demi-arbres oscillants, une aile et une écope de frein. J’ai eu du mal à trouver les éléments élargis, mais pour pouvoir mettre des jantes dignes de ce nom, il fallait bien. Pour le reste, j’ai pioché dans les composants Renault, Peugeot, Citroën et NSU de l’époque que j’ai pu dénicher. J’ai aussi pu récupérer pas mal de pièces d’origine. La peinture bleu nuit est un mélange de ma composition, j’espère qu’elle vous convient. 
—  Oui oui, c’est parfait. Alors elle est prête  ? 
—  Oui, elle se porte à merveille. Il ne reste plus qu’à la tester plus en profondeur pour voir si les réglages des deux carburateurs double corps sont optimums.
—  Ça prendra longtemps  ? 
—  Il y a un ancien circuit à 20 minutes d’ici, j’y ai mes entrées. Une dizaine de tours devraient suffire. Donc je dirais une petite heure si tout est bon. Une ou deux de plus si des ajustements supplémentaires sont nécessaires. 
—  Bien, allons-y. Je vous suis et si vous avez des réglages à faire, je repasserai la prendre demain. 
Elle fourra sa trousse de « premiers secours automobile » au pied du siège passager de la dépanneuse, chargea l’A110 et sauta derrière le volant.
Arrivée sur le circuit, qui n’était en réalité qu’une piste poussiéreuse, mais qui offrait l’avantage d’être peu fréquenté et proche du garage, elle débarqua cérémonieusement la berlinette. Les yeux brillants d’excitation elle s’inséra au chausse-pied dans l’habitacle miniature et casa ses jambes dans le tunnel qui menait aux pédales. Elle avait l’impression d’être dans une voiture-jouet. Tout était minuscule, regroupé le plus près possible du pilote pour plus d’efficacité, même le volant était petit; tout était dévolu au pilotage.
Comme pour lui rappeler qu’elle devait profiter de chaque seconde de son essai, le propriétaire de l’Alpine se pencha à la fenêtre.
—  J’envisage de la faire participer au rallye Monte-Carlo historique, ne l’abîmez pas, mais n’hésitez pas à la pousser un peu. 
Elle retint le sourire béat qui menaçait de s’étendre jusqu’à ses oreilles et la danse de la joie qui démangeait ses hanches et ses épaules, ça n’aurait pas fait professionnel. Même si intérieurement elle jubilait, elle se contenta de répondre  :
—  Dans ce cas, voyons ce qu’elle a dans le ventre. 
Indifférence
Il ne la prit pas une seconde au sérieux. Le circuit était vide en cette fin d’après-midi, elle démarra en trombe, le couvrant de poussière. Conduire ce bolide était du pur plaisir. La fibre dieppoise résonnait tel un orchestre, toute sollicitation du pied droit était immédiatement satisfaite, à chaque tour elle poussait un peu plus les limites du moteur. La voiture bondissait de virage en virage avec la même aisance et offrait les plus belles glissades qui soient. Il suffisait de placer l’avant, l’arrière suivait.
Surprise
Curiosité
Les virages au volant de la sportive vous arrachaient les tripes. Gabrielle vit du coin de l’œil son unique spectateur sortir un chronomètre.
Incrédulité
Intérêt
Elle quitta la piste encore à vive allure et s’arrêta dans un grand dérapage devant son client. Les réglages étaient parfaits. Elle avait pu atteindre les 206 km/h. Cette petite bombe était une pure merveille.
Tandis qu’elle donnait un dernier coup de chiffon à sa monture du jour, l’homme lui tendit une carte :
—  Si vous souhaitez une place plus en rapport avec vos dons de pilote, prenez rendez-vous avec M. Nickolaus. Appelez-le de ma part et montrez-lui ce que vous savez faire derrière un volant. Il saura apprécier votre talent à sa juste valeur. 
Ce n’est qu’une fois de retour au garage que Gabrielle fut prise d’un doute. Comment avait-elle pu lire les émotions de cet homme avec autant de précision, alors que, à l’allure à laquelle elle roulait, elle avait du mal à distinguer les traits de son visage ?
Rideau
Dans la dépanneuse, une jeune femme restait assise, le regard vide.


Alors, le début de Révalité vous a plu ? Ça vous a donné envie de lire la suite ?

La seconde et la dernière partie sont disponibles

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